Part 12

Plus loin,  Hélène s’éloignait, le regard hagard, enfouie dans ses pensées. Elle leva les yeux vers le ciel dégagé où on ne pouvait voir aucune étoile avant de soupirer bruyamment.

       -Alors… Même après toutes ces années de sacrifice, je ne serai jamais récompensée… ? Même après l’avoir soutenu du mieux que j’eus pu… Il ne m’a pas choisie… Je…

Elle se fit interrompre par une voiture qui la frôla en passant à toute vitesse, klaxon à l’appui. Elle se rendit compte qu’elle avait traversé le boulevard sans y prêter attention. Elle était au beau milieu de la route, ne sachant plus quoi faire elle se précipita vers le trottoir. Mais là encore, une voiture allait la faucher. Elle eut juste le temps d’écarquiller les yeux quand elle se fit projeter sur le bas côté.

Des crissements de voiture se firent entendre avec des carambolages. Des gens qui criaient. Hélène se disait qu’elle l’avait peut-être mérité, ce sort soudain, quand elle se rendit compte qu’elle était toujours consciente elle ouvrit les yeux et se retrouva étalée sur Nicolas qui venait tout juste de la sauver. Elle plissa des yeux en lui touchant le visage pour être sûre qu’elle ne délirait pas. Et c’était bel et bien lui. Elle se dégagea alors de sa prise et regarda autour d’elle. En constatant toute la cohue qu’il y avait autour d’elle, ce désordre bruyant ambiant, elle s’enfuit vers sa voiture. Laissant Nicolas au sol, il semblait inconscient.

Une fois arrivée à sa voiture, essoufflée comme jamais, elle tentait de reprendre ses esprits. Tout avait été si vite. Pourtant la douleur au fond de sa poitrine ne disparaissait pas. Peu importait si le monde devait s’écrouler tout ce à quoi elle aspirait le plus resterait à jamais hors de sa portée. Elle s’écroula alors juste devant la portière de son cabriolet, en larme :

       -Je n’ai que ce que je mérite ! Je mérite de mourir dans l’anonymat le plus complet ! De disparaître de la surface de la Terre !

Un peu plus tard elle se résigna :

       -Il… Kelvian a dû se rendre compte que… Je n’étais qu’un pantin… Qu’une poupée de porcelaine belle à regarder mais dénouée de tout sentiment… C’est pour ça qu’il…

       -Tu m’as laissé pour mort là-bas Hélène, ce n’est pas sympa…

       - !! Fit donc Hélène en se retournant brusquement vers l’endroit d’où provenait la voix de Nicolas.

       -Je ne te savais pas si tête en l’air, tu as failli te faire faucher par la voiture… Heureusement que j’ai sauté à temps !

Personne ne l’avait jamais vu pleurer, donc elle se retourna brusquement pour qu’il ne la voie pas.

       -Je… Je ne t’ai jamais demandé de me venir en aide espèce d’imbécile… Tu aurais pu y rester toi aussi…

       -Désolé, je me suis rendu compte que j’étais un bel enfoiré, faisait-il en se rapprochant d’elle.

       -Ce n’est que maintenant que tu t’en rends compte ? Vas-t-en ! Laisse-moi tranquille, je ne suis pas prête à revoir ta sale tête, fit-elle alors en s’empressant d’ouvrir la portière de sa voiture.

C’est alors que Nicolas la retint et l’enlaça tendrement, l’empêchant de rentrer dans la voiture.

       - !! Mais qu’est-ce que tu fais ? Lâche-moi !

       -Hélène, couche avec moi.

Ces mots déclenchèrent la bombe enfouie au plus profond d’elle. Elle le repoussa avec force avant de gronder, hors d’elle :

       -Comment oses-tu me demander une chose pareille !!!? Tu n’as donc aucun amour propre !!? Tu veux donc m’écraser jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de moi !? Tu veux tout me prendre !? Mon honneur ? Ma chasteté ? Mon corps aussi ? Mais va te faire foutre ! Je refuse d’avoir affaire à toi désormais ! je quitte cette ville, ce pays et fais ce que bon il te semblera de Kelvian ! Je n’en ai dorénavant cure de lui ! Oublie-moi !

       -Et bien couchons ensemble avant ça…

       -Nicolas vas te faire foutre ! Espèce de dégénéré ! Ennemi public !

Hélène se mit à paniquer en le voyant continuer à l’approcher. Il avait vraiment un regard triste. Elle refusait de lui attirer toute forme de pitié. Elle lui lança l’une de ses chaussures à talon, qu’il n’esquiva pas. Elle voulut alors courir pour le fuir mais il l’attrapa, la mit face à lui et l’enlaça une nouvelle fois tendrement. Hélène lui donnait des coups de poing sans consistance. C’est en larme qu’elle le jurait de tous les noms.

       -Nicolas fous moi la paix… Je t’en supplie… Laisse-moi tranquille… Je ne te ferai plus de tord, je te laisse tout ce que tu as toujours convoité… T’es qu’un enfoiré de la pire espèce.

En fait, dans sa tête… Nicolas se disait que c’était la seule façon qu’il avait de se racheter : qu’elle obtienne de lui ce dont elle a toujours rêvé secrètement et qui malgré tout la faisait atrocement souffrir à cause de son caractère têtu.

       -Je ne veux pas que tu te dises que tu n’as jamais obtenu ce que tu as toujours désiré…

       -… Elle sanglotait en silence.

       -Je… Je ne sais pas quoi…

       -Et comme ça tu auras la conscience tranquille ? Tu n’en as rien à foutre de ce que je ressens dans cette histoire… Garde donc ta pitié pour toi… Je reste encore suffisamment maître de moi-même pour ne pas céder à des besoins primaires comme les gens de ton espèce. M’offrir ce que je désire le temps d’une nuit ne m’aidera aucunement espèce de bouffon mal luné. Tu me plongeras juste dans un désespoir plus profond encore… M’offrir à toi pour ce genre de raison finira de détruire mon monde… Il ne me restera qu’à me tuer pour mettre fin à mes jours. Tu es donc aussi bête que ce à quoi je m’attendais. Tu ne penses qu’à toi et ne vis que dans l’instant présent. Tu n’entrevois même pas un peu les futurs qui pourraient se déchaîner selon telle ou telle action de tes soins. Tu vis avec tes sentiments ? Moi je vis avec ma tête. Sans ça, je ne serais pas là où je me tiens actuellement. Alors lâche-moi.

Il défit donc son étreinte en se rendant compte à quel point il était bête et égoïste. Il se rendait enfin compte de l’absurdité de sa demande. Il ne se reconnaissait plus.

       -Tu n’es pas le genre de personnage qui ressent de l’empathie pour autrui. Reste donc aussi égoïste comme tu l’as toujours été et arrête de faire chier les autres.

Le téléphone d’Hélène sonna alors. Elle resta debout devant Nicolas, fière et droite malgré les larmes qui continuaient à lui couler sur le visage. En ne décrochant pas. Le téléphone sonna une seconde fois :

       -Sur ce, je vais te laisser, et n’oublies pas de m’oublier imbéc…

Elle s’arrêta en voyant qu’il s’agissait de Kelvian au téléphone.

       -Ah… Et bien, le principal objet de toute cette histoire montre enfin le bout de son nez !

       - Hein ? répondit alors Nicolas.

       -Oui Kelvian ? Fit-elle en reprenant un ton calme et posé. Où je suis ? Ce que je fais ? C’est surprenant que tu me poses ce genre de question, qu’y a-t-il ? Ah ? Ah oui, mes parents, voilà plus de deux semaines que je ne les ai pas vu, ni ne leur ai donné de nouvelles d’ailleurs… Pourquoi ? Tu veux savoir pourquoi ? Pourquoi tu veux savoir pourquoi ? Serais-tu tombé sur la tête ? Habituellement tu n’en as que faire de ce que je peux bien faire ! Qu’est-ce qu’il me prend ? Kelvian… Je vais mettre fin à nos fiançailles et disparaitre de ta vie. Vu que tu ne voulais pas faire de choix je vais le faire à ta place. Sois heureux avec ton idiot de Nicolas.

Puis elle raccrocha sous le regard dépité de Nicolas.

       -Mais qu’est-ce que tu fais ? Lui demanda alors ce dernier.

       -Moi ? Je t’ai dit que j’allais disparaître, tu croyais que je racontais des balivernes ? Je ne veux plus rien avoir à faire avec vous.

       -Non mais Kelvian ne te déteste pas au point de te faire fuir tu… Aïe !

Hélène lui avait balancé son téléphone à la figure après avoir enlevé la batterie car Kelvian ne cessait de rappeler.=)

       -Ferme ta gueule ! C’est mieux pour tout le monde que les choses se passent ainsi. Je vais enfin pouvoir m’éloigner de tous ceux qui me causent tant de malheur et toi tu pourras enfin vivre le grand amour auquel tu aspirais tant. C’est un bon compromis. Sur ce, adieu.

       -Mais Kelvian se sentira trop mal !

       -Mais qu’est-ce que ça peut bien me foutre !!!  Si tu l’ouvres encore pour ne rien dire je te roule dessus avec ma voiture espèce de raclure ! Qu’est-ce qu’il en avait à faire de toute cette affection que je lui vouais hein ? Rien ! Alors à d’autres tes beau discours ! S’il est dévasté par ma décision je n’en serai que plus heureuse ! Qu’il souffre aussi un peu, merde ! Et si tu ouvres une nouvelle fois la bouche je te jure que je ferai tout ce que je pourrai pour vous éliminer tout les deux ! Je ferai tout pour vous détruire ! Ne me provoque pas ! J’en ai marre ! Je me tire ! Fit-elle en démarrant sauvagement sa voiture.