Créer un site internet

Part 11

Enclenchement des hostilités

 Le surlendemain, le vendredi, la journée la plus chargée de la semaine, Kelvian était encore plus débordé qu’à son habitude. Une nouvelle raison de s’impliquer encore un peu plus dans son travail lui permettant d’oublier toutes ses réflexions. Il se dirigea une nouvelle fois sur le toit du building à sa pause de midi. En ouvrant la porte il se rappela de ce qu’il c’était passé avec le jeune William Borel, il se mit donc à sourire bêtement en se remémorant la scène avant de se faire percuter par quelqu’un revenant des toits à pleine allure. En effet il s’agissait du jeune William qui cette fois-ci les larmes aux yeux, entraîna Kelvian dans sa chute. Ils faillirent tomber dans les escaliers mais Kelvian avait de bons réflexes et donc s’accrocha à la rampe d’escalier tout en retenant le frêle William. Dans cette manœuvre, il s’y déboîta l’épaule droite tout en se cognant contre le mur.

            -Aoutch !

Sur l’instant, William resta immobile, comme un animal sauvage surpris par son état captif quand soudain, il se releva brusquement, ne manquant pas de stimuler la douleur de Kelvian, tout en gardant un air stupéfait. Il dit alors :

           -Je… Je suis vraiment désolé !! Je… Je suis vraiment maladroit !! Je… J’appelle une ambulance !! Hurlait-il alors les yeux fermés, se recroquevillant sur lui-même.

            -Ça va, ça va, ne vous inquiétez pas. Vous n’avez rien ?

Ce dernier le regarda donc désabusé, surpris de l’attention que lui portait Kelvian alors que lui-même était blessé.

            -Je… Je vais bien grâce à vous, je vous remercie. Mais vous comment allez-vous ? J’ai… J’ai entendu un… un bruit sourd en tombant sur…

Il se mit à s’agiter avant de pouvoir terminer sa phrase. Kelvian le voyait comme un enfant qui s’en voulait d’avoir fait une bêtise, c’est donc ainsi qu’il lui caressa les cheveux comme pour le rassurer, comme le ferait un grand frère, comme le ferait un père.

            -Vous m’aidez à me relever, William ?

Sur le coup il fut surpris que Kelvian l’appelât par son prénom mais s’exécuta sans se faire attendre.

            -Je crois que je me suis déboîté l’épaule. Il faudrait qu’on la replace.

            -Vous ne voulez pas que j’appelle l’ambulance ?! Fit donc William estomaqué.

            -Pour une épaule déboîtée ? Non, non, ça ira merci, fit-il alors en passant son autre main dans ses cheveux en mode séducteur –sale habitude toujours.

            -Vous êtes sérieux là ? Moi je serais en train de me rouler par terre ! Je suis sûr que vous souffrez !

Kelvian replaça son épaule tout seul quand il constata que le petit William paniquait à sa place. En effet William Borel était un jeune homme qui semblait avoir la vingtaine, de petite taille, blond aux yeux d’un bleu translucide, les traits fins ajoutant à toutes ces caractéristique un visage enchanteur et une tenue quasi-irréprochable. Pourquoi quasi ? Car maladroit comme il l’était, il avait toujours des traces de ses chutes sur ses vêtements.

            -Voilà, j’irais voir mon médecin demain, annonça donc Kelvian.

            -Je… Je suis tellement désolé d’avoir blessé quelqu’un comme vous !

            -Quelqu’un comme moi ? Et qu’est-ce que je représente comme ça ? Dites-moi, faisait donc Kelvian de façon monotone.

            -Vous êtes la personne la plus importante après le président de la structure, vous êtes toujours présent, vous faites toujours tout vous-même, vous n’avez pas le même charisme que les dirigeants, voilà pourquoi…

            -Vraiment ? Je ne pensais pas que les employés avaient cette vision de moi, j’essaie juste de faire les choses du mieux que je peux.

            -Et vous y arrivez à merveille, c’est pourquoi…

William semblait s’être métamorphosé. Cet air craintif qui émanait de lui ne semblait plus l’envelopper. Ses yeux d’un bleu cristallin dévisageaient Kelvian langoureusement. Ce dernier restait figé devant ce nouvel individu.

            -William ? Que se passe-t-il ?

            -Vous êtes très courageux en plus… lui dit-il alors en posant la main sur son épaule meurtrie. Vous n’avez pas peur d’être blessé pour les autres… Seriez-vous un chevalier des temps modernes ?

            -Chevalier ? Fit alors Kelvian en regardant cette main posée subrepticement sur son épaule.

À l’instant où il se retourna afin de lui demander quelques explications, de sa petite taille William le bloqua contre le mur afin de l’embrasser tendrement. Sur le coup Kelvian resta pétrifié. D’une part car c’est habituellement lui qui prenait les devants dans ce genre de situation mais surtout parce qu’il ne comprenait que trop peu ce qui se passait à ce moment là. Une idée lui traversa alors l’esprit : peut-être était-ce parce qu’il commençait à s’intéresser aux hommes par le biais de Nicolas que ce genre de situation lui arrivait. À cette pensée, il se décida enfin à bouger et repoussa le jeune William :

            -Et ça, c’est sensé vouloir dire quoi ? Fit-il un peu sur les nerfs.

            -C’est pour m’excuser, je n’ai rien trouvé de mieux…

            -Je vous avais déjà dit que je ne vous en voulais pas, je n’ai pas besoin de ce genre d’excuse, vous avez un peu conscience de ce que vous faites ? Je suis un homme moi aussi, qu’est-ce que vous espériez ?

            -Je… Je pensais bien faire pourtant, fit donc ce dernier en se recroquevillant sur lui-même, comme s’il était redevenu le jeune homme craintif.

            -J’ai encore plus de mal à comprendre comment ça fonctionne dans votre tête, mais je pense que nous n’aurons plus rien à nous dire. Je retourne travailler, faites-en de même. Je pense qu’il est inutile de vous dire que je ne veux pas que ce malheureux incident se sache, lui fit donc Kelvian d’un air mécontent. 

En descendant les escaliers la main sur la bouche, encore sur le choc de ce qui venait de se produire, il entendait le jeune Borel clamer son pardon, mais en vain. C’est donc ainsi qu’en traversant la porte menant aux escaliers il se para de son masque de fer, annihilant ainsi toute douleur liée à son épaule meurtrie, effaçant ce baiser volé, sans pour  autant ne pas y réfléchir. Un tel événement pourrait avoir des répercussions terribles si cela se savait selon lui. 

Tout portait à croire que toute son existence, non pas qu’elle ait été basée sur le mensonge et la comédie, mais il eut semblé qu’elle prenait vraisemblablement un autre tournant. Kelvian, avec ses masques de fer s’effritant un peu plus chaque jour, cherchait l’apaisement de son âme en plein tourment. Cet état de faiblesse devait très certainement être la cause de l’incident qui s’était passé avec le jeune William Borel, il s’en voulait donc d’avoir paru si faible, il lui fallait une raison de s’énerver, ne sachant pas sur quoi la diriger il s’en prenait à lui-même ne percevant même pas qu’il s’affaiblissait encore un peu plus en réagissant de la sorte. Il ne cherchait pas à se confier à qui que ce soit, il voulait juste se changer les idées. Habituellement il allait passer un peu de temps avec Nicolas et tous les deux se désaltéraient autour d’un bon café comme au bon vieux temps. Mais ce n’était désormais plus possible, même si lui, il arrivait à maintenir une apparence au bord de l’éclat, Nicolas lui ne pouvait plus se cacher, se voiler, il était franc, peut-être même malgré lui.

Habituellement, quand Kelvian flirtait avec l’une de ces dames qui n’arrêtaient pas de lui tourner autour, il n’avait aucun mal à les fréquenter à condition qu’il ne s’agisse que d'une relation purement charnelle. Il savait qu’il ne pouvait en faire de même avec Nicolas, de peur de blesser ce dernier et de se meurtrir lui-même. Hélène, quant à elle, était comme elle était, mais quelque part, il s’était résolu à vivre avec elle à tout jamais soutenu par les conditions du mariage arrangé par leurs deux familles. Ce chamboulement dans ses projets d’avenir tracés à l’avance dansaient de façon aléatoire comme le feraient les flammes d’un feu de joie, des flammes de passion, consumant les braises rougeoyantes jusqu’à ce qu’il ne restât plus rien.

-Des flammes… de la passion… jusqu’à ce qu’il ne reste que des cendres… murmura Kelvian en s’oubliant quelque peu.

-Pardon ? Fit donc une jeune femme qui passait par là.

En fait Kelvian était dans la salle des archives. Pensant être seul il fut  passablement surpris de savoir qu’il ne l’était  pas en définitive.

                        -Ce n’est rien, je divaguais… rétorqua donc Kelvian, n’essayant même pas de se la jouer Don Juan comme à son habitude.

                        - Excusez-moi, j’ai cru que vous comptiez un bien triste poème.

                        -Vous n’êtes pas nécessairement dans le faux, madame.

Ils se parlaient au travers d’une étagère pleine de dossier, ils ne pouvaient se voir. La jeune femme murmurait d’une voix douce et chaude comme le chant d’un rossignol au milieu du printemps. Kelvian, lui, semblât susurrer des mots ténébreux empreints de sa malédiction intérieure, mais au moins ils étaient vrais. Il ne ressentait nul besoin de se parer d’un de ses masques dorés tant il était désarçonné.

                        -Vous êtes donc un poète, mon bon monsieur ? L’obscurité de la salle des archives vous aide-t-elle à vous nourrir de mélancolie ?

Kelvian resta silencieux jusqu’au moment où il se demanda ce que cette femme pouvait bien raconter. Il n’était pas d’humeur à parler donc il resta là, silencieux non comme un cadavre mais comme une proie dissimulant jusqu’à son existence afin de se faire oublier.

                        -Moi qui travaille dans cet environnement poussiéreux depuis tant d’années, j’ai appris à connaître la douceur de ces murs, qui malgré leur air sombre, s’entachent de moult et moult maux, continua donc cette dernière.

            Plus elle parlait moins notre jeune ami semblait la comprendre. Elle poursuivit ainsi ses divagations dans un monologue qui semblait persistant, mettant en avant l’obscurité de la société, l’associant aux soirées sans lune, aux monstres dantesques, aucun enchaînement logique vraisemblablement. Pourtant, son naturel curieux lui somma de rester là, à écouter des phrases pleines de sens caché, d’explications silencieuses, faisant des galipettes pour ne jamais retomber sur un même point, une véritable évasion de l’esprit. Quand soudain, la jeune femme apparut devant Kelvian sans un bruit, sans même qu’il ne la remarquât. Ses pensées le menèrent au-delà du cosmos, perdant pied face à cette réalité qui l’étouffait. C’est en remarquant enfin que cette mystérieuse berceuse ensorcelante avait pris fin qu’il ouvrit les yeux. Nez à nez avec la Vénus des archives. Il en fut très surpris sans pour autant sursauter, sans pour autant s’agiter. La situation était bien particulière, mais la jeune femme, blonde, aux cheveux coupés courts était accroupie d’une façon bien maladroite. Il faisait sombre, mais chacun pouvait remarquer que l’autre l’observait. C’est donc ainsi que Kelvian brisa le silence, non pas qu’il en ressentît un besoin pressant ou particulier mais tout simplement pour échapper à son emprise, en effet l’espace d’un instant il eut l’impression d’être envoûté, non pas que ce fut une impression malsaine, mais autre chose, quelque chose d’assez indescriptible. Et tout ce qu’il ne comprenait pas, il ne supportait pas.

                        -Vous arrêtez de parler ?

                        -Qui êtes-vous ? Nous sommes vendredi soir, tous les employés ont déjà quitté les lieux, vous n’êtes pas non plus un habitué des archives c’est bien la première fois que je vous vois.

Kelvian fut d'un premier abord surpris de connaître quelqu’un de la société qui ne le connût pas. Mais c’est aussi pour cette raison qu’il se sentît d’autant plus apaisé par sa simple présence.

                        -Je ne suis qu’une âme en plein égarement, madame, lui dit-il donc avec un sourire empli de désespoir.

Elle en tomba à la renverse. Elle semblait être une personne assez étrange aux yeux de la société, une marginale dans toute son ampleur. Sans même bien déceler les forme de son visage, elle fut frappée de plein fouet sembla-t-il, par la tristesse de Kelvian.

                        -Pourquoi vous êtes-vous égaré ? Fit-elle alors très concernée tout à coup.

                        -Je m’égare aux yeux de la société, je m’égare aux yeux de moi-même. Cet égarement, je ne sais pas du tout comment y faire face.

                        -Vous croyez au destin, monsieur ? Fit-elle donc les yeux émeraude brillants de mille feux.

                        -Je crois que c’est parce que je crois au destin que je suis dans cet état malheureusement.

                        -Vous pensez donc que la destinée est quelque chose qui nous dépasse complètement humbles et pauvres mortels que nous sommes, et que nous ne pouvons rien y faire n’est-ce pas ?

Sur le coup Kelvian n’avait pas compris ce qu’elle voulait lui dire, mais il répondit lascivement :

                        -Oui.

                        -Oh… Quel pauvre chose vous faites, fit elle donc d’un air dépité, se relevant mollement. Je vous croyais plus… vivant !!

À ces mots, Kelvian rebondit :

                        -Chose ? De quel droit vous me traitez de chose ?

                        -Un cadavre, une fois à l’état de cadavre n’est qu’une chose, n’est-ce pas ? Lui dit-elle alors comme si c’était évident.

                        -Pardon ?

                        -Un cadavre met en avant la fatalité de notre existence. C’est pourquoi on s’empresse toujours de les rendre à la terre.

                        -C’est quoi le lien entre le fait que vous me traitiez de chose et…

                        -Et ? Ah !! Ha Haa !! Vous voyez maintenant n’est-ce pas ? Le pus qui vous engluait s’efface peu à peu ?

                        -Le pus ? Fit-il ainsi un peu à cran.

                        -Vous n’êtes qu’un pantin, mon bon monsieur, déjà que vous étiez sans vie mais vous vous débattiez encore un peu, pas vrai ? À présent on dirait un cadavre !!

                        -Mais je ne vous permets pas, fit alors en lui attrapant les deux bras et en la plaquant contre l’étagère. Et là, je suis toujours aussi mort ?

                        -Autant qu’un poisson hors de l’eau hi, hi, hi !

                        -Vous ne me connaissez pas… Et moi non plus, c’est donc cette impression que je vous donne ?

                        -Vivez comme vous l’entendez mon bon monsieur, passer votre temps à vous morfondre ne fera que vous enlaidir et rendre votre cœur imperméable aux douceurs que la vie nous propose. Non pas qu’il faille agir sans réfléchir, mais au moins se morfondre pour quelque chose qu’on a fait et non pas encore fait.

                        -Comment ça ? Fit donc Kelvian perplexe. Comment pouvez-vous dire tout ça ? Je vous ai à peine parlé.

                        -Hum, c’est très simple pourtant, c’est écrit en feutre luminescent sur votre front !! Ha, ha, ha !!

                        -Voilà une rencontre avec un phénomène bien particulier dites donc. Vous êtes tout simplement surprenante pour quelqu’un qui passe son temps au fin fond des archives.

                        -Passer du temps aux archives n’est pas en soit une chose mauvaise, c’est l’impression que vous donnez en me décrivant ainsi. Vous voudrez bien me relâcher ? Nous sommes dans une position bien discutable, dit-elle donc avec un sourire enjoué.

                        -Ah oui ! Désolé, je me suis bêtement emporté, fit-il donc en s’exécutant.

                        -Vous n’aimez pas avoir sous les yeux des choses hors de votre contrôle, va savoir si cela s’avérerait être un défaut ou une vertu. Tout ça pour vous dire au final…

                        -Oui ?? Il se demandait ce qu’elle avait encore découvert à son propos.

                        -Il faut que je ferme la salle des archives !! Dit-elle en lui tirant la langue.

Il fut tellement surpris par cette réplique, qu’il se dirigea sans un mot vers la sortie. Avant de disparaître il s’inclina devant la jeune femme, mourant d’envie de lui demander son nom. Mais il en était mieux ainsi. Les « autres » ne devaient pas se douter de ce qu’il était réellement.

Il s’agissait d’une période de leur vie particulièrement difficile. D’un côté nous avions Kelvian désorienté, à la limite de la détresse et qui par orgueil ne souhaitait se raccrocher à personne. D’un autre, nous avions Nicolas désorienté, en proie à une solitude la plus totale, semblable à un pantin sans âme, avançant sans but, animé tout simplement par ses actions quotidiennes comme un androïde. Il ne voulait plus réfléchir à quoi que ce soit. 

De son côté Nicolas, commençait à se négliger. Habituellement il faisait particulièrement attention à sa précieuse apparence. Mais si la personne à qui il voulait le plus plaire ne le regardait pas, non pas qu’il ne le voulait pas, mais étant donné qu’il ne le regardait pas, toutes ces singeries perdaient leur sens. Il ne se rapprochait de personne en particulier, à cause de son caractère désagréable qui atteignait des sommets en son état. Toutefois ses collègues constatèrent d’eux même qu’il n’allait pas bien, aussi fier qu’il pouvait être. Ce qui ne l’empêchait pourtant pas de réaliser ses tâches avec parcimonie et menant droit au succès. C’est donc ainsi que sa supérieure vint lui parler.

                         -Bonjour, monsieur Nimendi.

Perdu dans ses pensées et concentré sur ses calculs de comptabilité, il ne lui prêta aucune attention. Jusqu’à ce qu’elle vienne lui tapoter le dos.

                         -Oh ? Qu’est-ce que c’est ? Madame Marshall ? Bonjour.

                         - Excusez-moi de vous déranger alors que vous semblez être très concentré.

                         -Ce n’est rien. Il vous faut quelque chose en particulier ?

                         -Je venais juste discuter.

À ces mots, Nicolas sentit un pincement au cœur très désagréable. Mais s’agissant de sa supérieure il resta placide, comme une statue de jade, la fixant, jusqu’à ce qu’elle poursuivît sa réflexion.

                         -Discuter ? Y a-t-il une tâche que j’ai accompli de travers ? Faisait-il alors innocent, souhaitant maintenir une conversation strictement professionnelle.

                         -Non, pas vraiment, vous êtes l’un de nos meilleurs éléments, et peu importe les conditions vous nous permettez de tenir tête aux plus grandes entreprises dans le domaine de l’immobilier.

                         -C’est trop d’honneur ! Fit-il donc gêné qu'à moitié, il savait déjà qu’il était un bon élément…

                         -C’est pour cette raison que…

                         -Que ? Fit-il alors maladroitement en l’interrompant par l’enchaînement singulier de ses mots. Il se demandait ce qu’elle allait bien pouvoir lui dire.

                         -Je ne veux pas qu’un élément comme vous peine à travailler dans notre société vous comprenez, si vous aviez des problèmes j’aimerais…

                         -Oh, ne vous inquiétez donc pas, madame la directrice. Mes problèmes sont d’ordre privé, jamais je ne leur permettrais d’entacher mon travail, soyez sans craintes, si c’est ce à quoi vous faisiez allusion.

                         -Vous en êtes sûr ? Enfin ce n’est pas vraiment ce que je sous-entendais.

                         -Pardon ? Lui fit-il alors d’un air agacé.

                         -Je voulais vous dire que si vous n’alliez pas bien, j’aimerais vous aider.

C’était donc bien ce à quoi il pensait. Il devait très certainement faire pitié. C’est pourquoi les autres, avec qui il avait toujours copieusement pris soin de se tenir à distance, se permettaient de venir lui proposer leur soutient. Cette idée le rendait fou de rage. C’est donc ainsi qu’il annonça alors sèchement à sa supérieure :

                         -Je suis surpris de savoir que  vous me considériez autant madame la directrice. Je pourrais faire des jaloux ! Votre intention est touchante, mais je souhaiterais que le privé reste d’ordre privé et le professionnel d’ordre professionnel.

                         -Je comprends. Je m’excuse d’avoir dit des propos aussi déplacés. Vous avez raison. Et bien, je vous souhaite bon courage et vais vous laisser à vos occupations. Bonne journée.

                         -Je vous remercie. Bonne journée madame Marshall.

Quand elle quitta son bureau, c’est donc amer qu’il songea à Rebecca, son ex-petite amie, qui voulait bien lui proposer son aide, du moins être à son écoute, et qui s’en moquait copieusement, ouvertement devant lui. Elle n’avait rien pu faire pour l’aider. Personne ne le pouvait. La seule personne pouvant intervenir et mettre fin à tous ses tourments, c’était Kelvian et personne d’autre. Un Kelvian qu’il redécouvrait. Il se sentit touché de le redécouvrir rongé par la passion. Mais cette passion acide le rendait tranchant, toxique et épineux comme une rose de jais. Dès qu’il essayait de mettre de l’ordre dans ses idées, il imaginait ce que Kelvian aurait pu lui faire cette nuit là. Il se demandait pourquoi il l’avait alors repoussé, il ne se comprenait pas lui-même.

En sortant de son travail, il marchait droit devant lui, sans trop faire attention à où il mettait les pieds, bousculant quelques passant, mais gardant les yeux fixés vers le ciel. C’était bientôt la fin du printemps et le début de l’été, le ciel était clair, les nuages dessinant des contours difformes forçant l’imagination de ceux qui avaient du temps à leur accorder. Il vit alors deux colombes se faire la cour, en une danse bien sympathique, elles se tournaient autour, se frôlaient de temps à autres, se faisaient face, se fuyaient. Nicolas se sentit alors très touché par cette danse nuptiale, par ces mouvements enchanteurs et égara malgré lui quelques larmes sur ses joues. Il pensait très fort au point de le dire à voix haute :

                         -Putain, pourquoi c’est si dur d’aimer quelqu’un…

Comme un appel à l’aide, comme une suffocation, il se tenait là, debout dans un parc dont il ne connaissait même pas le nom, à la vue du ciel, des oiseaux, des passants. Il était entouré de millions de formes et pourtant se sentait si seul. Il jeta sa veste et sa sacoche à ses pieds avant de s’asseoir sur l’herbe fraîche du crépuscule. Après s’être calmé, il se rendait compte qu’il était devenu très sensible à ce genre de chose alors qu’en temps normal il se dénierait de tout ce qui ne lui rapporterait aucun intérêt. Il se disait que c’était peut-être pour ça que Kelvian avait du mal à le regarder. Paraître si fébrile devait titiller le prédateur qu’il avait toujours été. Mais Nicolas était toujours pris de doutes, ses aveux semblaient si prompts, si clairs, qu’il se refusait à y croire. Peut-être n'était-il attiré que physiquement par lui. Il ne voulait pas de ça. Il ne voulait pas qu’il ne le considérât comme toutes ces proies égarées puis ensuite dévorées pour finir rejetées. Il avait peur. Il commença à avoir des maux d’estomac dus au stress. Il se recroquevilla sur lui même avant de s’étendre de tout son être sur ce tapis verdoyant sous les couleurs du soleil couchant. Les bruits de vie nocturne dans le parc l’apaisaient étrangement, il s’endormit ainsi innocemment pas loin d’un grand saule pleureur en fleur, qui le cachait des autres, un petit coin rien que pour lui.

Kelvian était en route sur le chemin de la maison. Au volant de sa Porsche coupée sport, il commençait à s’impatienter à cause des embouteillages, vraisemblablement causés par un accident de la route. Sentant qu’il allait perdre son calme, il décida de garer son bolide dans un parking payant non loin de là. Il entama donc une marche au milieu des citadins qui se dirigeaient tous eux aussi vers leur foyer. Il observait ce qui l’entourait. Il voyait des enfants accompagnant leurs parents, des jeunes à vélo, des personnes âgées sur des bancs à discuter, des couples marchant main dans la main. Un grouillement humain qui ne lui était pas familier. Mais ça ne l’agaçait pas. D’un naturel curieux il les observait, toujours en déchaînant les foules à son passage, faisant rougir celles qui croisaient son regard. Il se disait qu’il y avait des choses qui ne changeraient pas peu importe ce qui pourrait arriver. Ce qui pourrait arriver. Mais quoi donc ? Kelvian avait un mauvais pressentiment, comme si quelque chose allait arriver. Mais quoi ?

Part 10 Dérision Part 12

1 vote. Moyenne 5.00 sur 5.

Commentaires (7)

1. egyptian_chabine (site web) 2012-06-17

Vraisemblablement, les troubles vont venir s'ajouter au problème psychologiques de nos deux oiseaux ... '-'
GOMENASAI!! Honto >.<
Me tuez pas hein xD

2. Marimo_chan 2012-10-26

J'aime trop la Venus des archives. *-* Je m'était imaginer que Kelvian irai se confier à cette inconnue comme on le fait avec un Psy mais il me semble que je me suis trompé xD

comme quoi *-* On peu jamais être sur de soit dans cette histoire !

*Jet de Bave acide dans les yeux de Borel* en passant... ">.>

3. egyptian_chabine (site web) 2012-10-26

ptdr je suis ravie de savoir que tu es tout le temps surprise xD!!

pauvre yeux de borel xd

4. Jaya 2012-10-29

Au moins un personnage sensé la Vénus des archives. Elle à du lui secouer les puces intérieurement à Kelvian et si c'est pas l'cas.
*head shot from POULPE dans son string léopard counard*
Alors que Nicolas lui se roule dans l'herbe humm on ne sais mm pas si un chien à fait popo dedans la loose '-'
Chapitre suivant o/

5. egyptian_chabine (site web) 2012-10-29

maiiiiiiiiiiiiiis lolllll xDDDDDD

Kelvian est trop classe il porte pas d string... *se tue*

6. Kywi 2012-11-17

Eh bien eh bien, un chapitre très psychologique on dirait. En effet des problèmes se profilent, mais ils semblent toujours plus se diriger l'un vers l'autre.
J'espère ne pas me tromper.
Je file au chapitre suivant, après la soupe. '-' *va se pendre*

7. egyptian_chabine (site web) 2012-11-20

mdr te pends pas c'est pas encore fini XDDD

Vous devez être connecté pour poster un commentaire

Date de dernière mise à jour : 2021-07-05

Veuillez respecter le travail que nous effectuons à la sueur de notre front :D!

Créer un site internet avec e-monsite - Signaler un contenu illicite sur ce site