Shoot 8

A moitié déguisés et camouflés nous arrivâmes au point de chute après avoir « emprunté » un scooter à un gars qui passait non loin de la planque. On était au beau milieu du quartier des affaires de Broadway non loin de New York. On se rapprochait de Brooklyn. L’adresse semblait être celui d’un building d’affaire. Pourquoi Sabine serait-elle là ?  Ou pourquoi aurait-elle été là ?

Pas assez d’information. Il fallait infiltrer le bâtiment pour en savoir un peu plus. Comment en avoir un peu plus ?

20h30 les derniers employés sortent enfin. Une équipe de nettoyage s’introduit dans l’immeuble à 20h45. Ils en ressortent une heure et demie plus tard. J’imagine qu’ils interviennent tous les soirs à la même heure, hé, hé. Je notais tout ces petits détails sur mon calepin. Raphaël, lui, observait les environs, juste  à côté de moi. Nous nous étions installés dans le mini parc juste en face de l’immeuble. Pas très discret mais l’ennemi ne se doutera  sans doute pas qu’on se rapprocherait aussi près de lui. Enfin… en principe. J’aurais aimé avoir plus d’informations sur l’homme qui avait acheté Raphaël. Un nom. Un visage. Un indice ! Il aurait infligé les pires sévices à ce pauvre garçon dans l’obscurité, les yeux bandés, selon lui… Comment aurait-t-il pu le reconnaître ? D’ailleurs… Comment a-t-il fait pour s’enfuir… ?

         -Raphaël.

         -Oui ? Répondit-il tout de suite.

         -Tu vois, la femme qui sort du bâtiment ? Lui demandai-je alors.

         -Heu ? Oui ?

         -Vas à sa rencontre et soutire-lui des informations sur cette boîte, sur des trucs qu’elle aurait pu voir. Elle a l’air mignonne et abordable, lui disais-je le plus sérieusement du monde.

         -Pardon ? S’insurgeait-il alors.

         -Quoi ? C’est au dessus de tes forces ? Lui rétorquai-je en me retournant machinalement vers lui, le regard vide.

Il semblait perdu.

         -Utilise tous les atouts que tu as en poche pour qu’on apprenne quelque chose sur cette boîte. On ne sait pas ce qu’ils peuvent faire à Sabine.

         -Et… Et toi tu feras quoi… ? dit-il alors d’un air boudeur.

         -Je vais me renseigner dans un bar sur des mecs louches dans le coin. Brooklyn n’est pas si loin. Couche avec elle s’il le faut mais je veux des réponses, suis-je bien clair ?

Il en resta bouche bée. J’en rigolais intérieurement. Il finit par s’y résoudre.

         -Je… Je ferais de mon mieux… Je ne suis pas doué pour ce genre de chose…

         -T’inquiète reste comme tu es, maladroit, timide, pas trop sincère sinon tout tombe à l’eau. Tu as une belle gueule, profite-en ! Lui disais-je  en le bousculant dans la direction de la fille que j’avais repérée. Tu m’envoies un message quand tu as terminé pour qu’on se retrouve. Reste prudent surtout.

J’aurais voulu le regarder partir pour me moquer encore un peu de lui mais j’avais moi-même des choses à faire de mon côté. Infiltrer ce milieu du jour au lendemain n’était pas chose facile, je devais faire marcher mon sens d’adaptation.

3h30. J’ai dû boire et faire boire pour délier certaines langues afin d’obtenir certaines informations sur un certain Widget, patron d’une énorme société d’informatique hébergée à l’adresse de Broadway. On avance lentement mais sûrement. Je n’étais plus toute fraiche mais je tenais bien l’alcool, je notais tout ce que je pouvais sur mon calepin fermement caché dans la poche intérieur de mon pantalon large de l’armée. Toujours pas de nouvelle de Raphaël. Je ne m’inquiétais pas mais je me disais : « je suis un monstre pour lâcher une larve pareil dans la fosse aux lions » Je m’amusais de cette pensée quand je reçus enfin son message m’indiquant où il était : juste en face du bar… Juste en face ?? Je sortis en trombe pour voir s’il ne se moquait pas de moi. Et bien il était bel et bien là. Assis fermement sur le scooter, prêt à partir.

Je lui souris bêtement. Mon dieu les effets de l’alcool sont d’un embarras !! Sans un mot je m’assis derrière lui et l’attrapai fermement à la taille. 20km de route jusqu’à la planque… Très long. Le sommeil voulait me vaincre mais je devais me battre pour ne pas embrasser le bitume par mégarde.

Une fois arrivée, je me dirigeai machinalement vers la bâtisse en lui disant : 

         -Enlève la plaque d’immatriculation et cache les preuves. C’est un véhicule emprunté à durée indéterminée…

Je ne sais pas s’il a eu le temps de dire quoi que ce soit. J’avais trop sommeil.