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Shoot 13

Je ne crois pas aux contes de fées

D’aussi loin que je m’en souvienne la vie ne m’a jamais fait de cadeau.

 

 Il fut un temps où je me posais une question qui me torturait : Pourquoi maman ne vient-elle pas me chercher à la fin des cours comme pour tous mes camarades de la maternelle ? Au début, Alfredo m’y amenait sans soucie, il venait me chercher de façon tout aussi naturelle. Il était maladroit et me tirait toujours avec un peu de force pour que je ne me fasse pas marcher dessus par les autres. J’avais pris cette habitude à toujours lui courir après. Les repas n’étaient pas de premier ordre, les boîtes de conserve étaient nos meilleures alliées. C’est peut être pour cette raison que j’ai vite appris à cuisiner par mes propres moyens. A cette époque, Alfredo était un gars comme les autres, déboussolé, sans repère avec une gosse sur les bras : la mère s’était barrée Dieu sait où. Toutefois il arrivait à joindre les deux bouts.

Vers la fin de mon cycle primaire tout bascula. Alfredo tomba dans la drogue et l'alcool suite à la perte de son unique travail. Après avoir cherché pendant plus de deux ans un emploi en vain, le système a eu raison de sa raison. Nous subsistions avec les aides qu’il gagnait pour moi. Vive le système social de l’époque.

Je n’ai jamais vécu dans l’opulence. Je n’ai jamais souhaité avoir plus que ce que je ne possédais déjà. Un repas chaud le soir me faisait déjà très plaisir.

Quand on est gamin, on nous fait miroiter tout plein de mondes féeriques. Les princesses aux bois dormants, blanche neige, cendrillon et compagnie. A cet âge là, on est encore crédule et on croit à tout ce que nous disent les adultes. Alors à cette époque, pourquoi ? Pourquoi mon prince n’est-il pas venu à mon secours ? Parce que je n’avais pas de sang noble ? Parce que je n’étais pas une princesse ? Donc je ne méritais pas d’être sauvée selon les règles de ce monde là. Vraisemblablement.

Mon héros, qui venait tous les jours me chercher à l’école pour que je rentre saine et sauve dans mon foyer, aussi pauvre qu’il aurait pu être, s’est vite transformé en l’un de ces méchants qu’on voit dans les contes.

Sans que je ne sache pourquoi, je me faisais battre par Alfredo tous les jours. Que je l’appelle, que je hurle, que je crie, que je pleure, ma voix semblait ne pas lui parvenir. Pourquoi ? Je n’ai jamais su, mais il n’aimait pas quand je lui posais la question. Il m’amochait encore plus fort. Je décidai alors de ne plus jamais la lui poser, de ne plus jamais lui parler, de ne plus jamais communiquer…

Les bleus faisaient partie intégrante de moi désormais. Tant et si bien que quand je n’en avais pas, je trouvais cela étrange. Tous ces soirs-là, la même question me tiraillait. « Pourquoi ? » Alors que je tentais de répondre à cette question, je me disais que peut-être que ce n’était pas moi qui avais besoin d’être sauvée. Mais plutôt Alfredo.

Avant que je ne m’en rende compte, je voyais des choses, imaginais d’autres. Des petits personnages sortis de mon imagination protégeant mon esprit de l’implosion. Me rattachant à la réalité. Mais au final quelle était cette réalité en question ?

Je ne trouvais toujours pas de réponses. Je cachais donc tous ces bleus et tentais de vivre normalement, pour je ne sais quelle raison. Tant que je ne savais pas de quoi il en était question exactement, je ne pouvais émettre de fausses théories ou de raisonnement bancal. Je me levais, je me préparais, j’allais en cours, je revenais, je me prenais une rouste et j’allais me coucher.

C’était devenu normal. Je m’étais donc persuadée que ca l’était. Mais un jour, je ne vis plus mes petits camarades imaginaires. Pourquoi ? Je me sentais soudainement si seule face à moi-même, au sein de moi-même. Qui pourrait répondre à toutes ces questions qui m’étranglaient dans mon sommeil ? Toutes ces pensées qui m’envahissaient sans que je ne puisse les maîtriser ?

« Parce que les contes de fées n’existent pas. » Une fois en classe la prof nous l’avait dit. « Ce sont des histoires pour les enfants. » Mon monde était anéanti. J’étais toujours seule avec moi-même. Que faire ?

Un jour, un camarade m’approcha, me trouvant distante avec les autres, silencieuse, sombre. Vraiment ? Mais j’étais moi. Je ne comprenais pas. Il remarqua l’un de mes bleus. Après je n’ai rien compris. Je lui avais sauté à la gorge et sans que je ne puisse maîtriser ce corps qui était le mien, je le défigurai. Il me ressemblait tant à cet instant ! J’en étais tellement heureuse que je continuai, le sourire aux lèvres jusqu’à ce que quelqu’un ne vienne me maîtriser pour moi-même, pour ce petit gars qui au final, avait juste fait preuve de curiosité, de gentillesse. Mon monde était dévasté. Il ne s’agissait plus de celui du commun des mortels. Je ne sus qu’assez tard qu’il s’agissait de sa réelle intention.

Ce soir-là, Alfredo m’attacha au pied du lit afin que je ne puisse m’enfuir. Pourquoi ? J’avais perdu toute envie de le fuir depuis le temps… Habituellement il me tapait à coup de poings, cette fois-là mon dos devint écarlate après avoir été fouettée inlassablement à coups de ceinture en cuir. Tant et si bien que je pu prononcer un mot pendant longtemps. J’étais restée enfermée plusieurs jours : mon corps était en lambeau. Et je ne savais toujours pas pourquoi.

En cours de math, le prof disait qu’il y avait toujours une raison à tout. Il y avait toujours une logique qui pouvait expliquer un phénomène, tel qu’il soit. J’étais mauvaise en math mais sa logique m’interpellait. Un soir, après les cours, sans arrière pensées, en toute innocence, j’allai lui demander plus d’explication et je lui demandai les raisons de mon existence. Son savoir semblait vraisemblablement supérieur au mien. Il devait forcément en connaître les raisons, de mon existence. Je crois qu’il m’a prise pour une folle, car le lendemain une dame vint me poser des questions sur moi, ma famille, mon mode de vie. Je ne comprenais pas. Innocente comme je l’étais, je répondais assidument à toutes ses questions. Le lendemain Alfredo vint dans mon collège. J’étais heureuse !! Mon héros d’antan était enfin de retour. Mais pas pour moi… Il battit la dame encore plus fort que moi. Apres l’avoir laissée pour morte il m’emporta par la main, comme avant, en me tenant toujours aussi maladroitement.

On entendait les sirènes de police chanter comme si c’était la fête. Je me disais qu’il s’agissait peut être de la fête nationale. J’étais tout aussi mauvaise en histoire…

On ne rentra pas a la maison ce jour-là. On atterrit près d’une vieille bâtisse au milieu d’un parc abandonné. Je ne comprenais toujours pas.

 

Apres plusieurs jours de séquestration, j’atteignais ma limite. Mon corps, rué de coups à longueur de journée et violé chaque jour pourrissait à vue d’œil. Je me demandais si j’étais encore humaine. Ma chaire enflammée semblait se décomposer. Les insectes me tournant autour continuellement me tenaient compagnie. C’est ça… J’étais un insecte.

Je ne savais même plus dans quelle époque je vivais ni a quelle espèce j’appartenais, mais mon corps lui, changeait. Peut être étais-je en train de muer ? Peut-être ferais-je peau neuve et que je renaitrais ? Je n’ai pas eu le temps de connaître Dieu, ni aucune de ses allusions, alors je ne pouvais m’accrocher qu’à ce qui m’entourait, aussi tordues que toutes ces choses auraient pu être. Mes yeux restaient clos à ce qui m’entourait, à leur véritable signification. Pourquoi ? Voila bien longtemps que je ne m’étais plus posé la question. Je n’ai pas eu l’occasion d’être en contact assez longtemps avec l’extérieur pour savoir si mon train de vie était normal ou pas. Donc je ne comprenais pas.

En effet, je ne comprenais pas pourquoi, avec la maigre quantité de nourriture que me donnait Alfredo, je ne comprenais pas pourquoi mon ventre grossissait. C’était bizarre. Je crois que lui aussi a du trouver ça bizarre.

Avant que je ne me rende compte de quoi que ce soit, je me vidais de mon sang, mes entrailles à l’air libre, sous les hurlements incompréhensibles d’Alfredo. Pour une fois, j’hurlais plus fort que lui jusqu'à ce que le peu de conscience qu’il me restait ne se brisa.

Je le vis extirper une petite chose de moi, sanguinolente, reluisante, grouillante. C’était un petit insecte, un petit moi. Depuis combien de temps n’avais-je vu un de mes semblables, autre qu’Alfredo et moi ? Il semblait tellement sans défense. Alors pourquoi ? Pourquoi Alfredo l’a-t-il balancé contre le mur ?

Je ne me rappelle plus trop de cette période, mais une chose est sure, Alfredo ne s'est plus jamais relevé après ça.

Rouge. Tout était rouge, lui, moi, le petit insecte plus loin. Un rouge obscure et puant. Une odeur métallisée imprégnant mon corps, se déversant dans mes narines ensanlantés. Les flaques reluisaient d’une couleur écarlate sous les feux de cet astre nocturne dans la nuit silencieuse. Tout ce rouge qui s’écoulait de moi sans que je ne sache pourquoi. Ah si, j’avais le ventre a l’air. Mais pourquoi ?

Désorientée, j’étais en proie à la folie la plus sévère quand j’entendis un bruit familier. Un grondement. Un signe de vie extérieur. Un bruit de moteur. Pourquoi fallait-il que je ne l’entende qu’à présent ? Ah oui, avant, les seuls bruits que j’entendais étaient ceux d’Alfredo. Ce silence était pesant, dérangeant. Avant même que je ne m’en rende compte consciemment, j’étais au bord d’une route, il y avait des lumières qui dansaient, du bruit, ça grouillait d’autres insectes. Je me devais de leur montrer ma reconnaissance ? Je taillais dans ce qui bougeait avec l’arme qui m’avait ouvert le ventre. Je voyais flou, je ne comprenais pas pourquoi.

 

En fait. Je ne comprenais pas grand-chose. Je ne saisissais jamais ce qui m’arrivait, ce qui m’entourait. J’étais trop bête.

 

Plusieurs années plus tard, je vivais avec des « infirmiers » dans un « hôpital. » Les « docteurs » disaient que j’apprenais vite et que ce qui les surprenait le plus, c’était que j’avais évolué « positivement » malgré tout ce que j’avais vécu. J’ai appris à ce moment là que ce que je vivais n’était pas bien, que ce qu’Alfredo faisait n’était pas bien. « Mais que faisait la police quand tu as subitement disparu ? » Disait très souvent une dame qui pleurait à chaque fois qu’elle me voyait. Je ne comprenais pas. Il y avait encore des choses qui m’échappaient.

 

C’est à cette époque que je l’ai rencontrée. Une jolie blonde aux yeux bleus translucides. Elle rendait visite chaque semaine au « docteur. » Je crois que je l’avais déjà rencontrée, mais mon univers était tellement restreint que je n’avais très certainement pas dû faire attention à elle. Elle aussi était couverte de bleus, comme moi. Mais elle pleurait tout le temps. Je ne comprenais pas pourquoi. Pourtant, une fois j’allai vers elle et lui séchai ses larmes : « Les princesses, ça ne pleure pas » Lui avait-je dit alors.

Pourquoi ? Alors que mes illusions avaient été réduites à néant, lui dis-je une ineptie pareille ? Parce qu’elle ressemblait vraiment à ces princesses qu’on voit dans les contes. Une chevelure semblable à un ruisseau d’or, des yeux d’une beauté sans égale, une peau diaphane comme les poupées de porcelaine et enfin ce charisme qui donnait envie à quiconque de la chérir, de la vénérer, de l’aduler. Toutefois, elle avait beau leur ressembler, les contes de fées ne sont que sottises pour leurrer les enfants. Pour les faire grandir en tout insouciance avant qu’ils ne se retrouvent piégés, prisonniers de la réalité du monde dans lequel nous vivions. Moi, je savais à quel point c’était blessant de voir ses rêves réduits en cendre, c’est pourquoi je ne voulais pas l’infliger également à cette princesse.

Elle m’avait repoussée froidement en me faisant bien comprendre qu’elle ne croyait pas en ces sornettes. Quelle cruauté, si jeune et pourtant si meurtrie, propulsée dans la réalité dans laquelle nous vivions, prisonnière de la réalité dans laquelle nous vivions, qu’est-ce qui pourrait bien épargner nos âmes ? Nous apporter le salut ?

J’avais toujours voulu qu’un prince vienne à mon secours. Je n’étais pas assez noble pour que mon rêve devienne réalité mais pourquoi toujours devoir compter sur les autres ? Au final, je me suis sauvée moi-même. Pourquoi devrait-elle attendre qu’un prince vienne à elle ?

         -Tu seras ma princesse et moi ton prince. Je viendrai toujours à toi quand tu seras en danger, lui dis-je alors en endossant mon rôle de prince très au sérieux, un genou au sol, la main sur le cœur.

Elle me gifla, mais qu’est-ce que c’était par rapport à toutes mes souffrances passées ? Qu’est-ce  que c’était par rapport à son agonie présente ? Qu’en serait-il des épreuves futures ? Je me redressai, toujours tête inclinée face à ma princesse au cœur fragile jusqu’à ce qu’elle s’effondre : elle m’avait acceptée. Je me rappelle encore de la chaleur de ses cris, de ses larmes, de son fardeau en l’ayant embrassé de mes bras encore frêles à l’époque.

Depuis lors nous étions inséparables.

 

Même  à la disparition de « son père » après avoir rencontré un individu dont on ne nommera pas le nom, nous avons toujours été ensemble…

 

Retour à la réalité, à ma réalité, à mon présent. Ma moitié m’avait été enlevée. Il fallait que j’aille la sauver. Même si je ne crois pas aux contes de fées, même si nous ne nous marierons pas et n’aurons pas d’enfant. Mais je refuse d’être celle qui détruira ses rêves, je refuse de l’abandonner, c’était un gage de  ma vie.

 

J’ouvris alors les yeux, plus sombres que jamais, dans les bras de Raphael. Je n’aimais pas rêver du passé. Mais sur l’instant je me suis demandé si les choses se seraient passées autrement si j’avais découvert des bras chauds et doux pour me réconforter de la sorte. Je me demandais encore plus pourquoi Sabine ne m’en avait pas du tout parler à l’époque, de ce « frère ? »

 

Shoot 12 Tourbillon Incandescent Shoot 14

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Commentaires (3)

1. egyptian_chabine (site web) 2013-02-17

Coucou la compagnie!!

J'ai enfin bien voulu écrire la suite xD

J'espère que ce contenu vous a plu '^'

J'ai hâte d'avoir vos commentaires ^^

Et autre chose xd ne me tuez pas xDDDD!!

2. sabi 2013-03-30

c'est super, son passé secret est enfin révélé. à quand la suite ?

3. egyptian_chabine (site web) 2013-04-01

mdr sabi change de registre xDDDDDDD

Je ne sais pas moi_même à quand la suite mdr

Je sais comment ça va se passer mais de là à prendre le temps de le rédiger c'est une autre histoire x_x

Hein que tu connais ce sentiment xd

Moi j'attends la suite d'une certain histoire depuis teeeeeeeeeellement longtemps mdr

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Date de dernière mise à jour : 2021-07-05

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